lundi 7 décembre 2009

Nouveau forcing pour le télétravail

Le rapport « Le développement du télétravail dans la société numérique de demain », écrit pour le CAS (Centre d’Analyse Stratégique) est un document très complet et très intéressant qui aborde tous les aspects du télétravail.

Un nouvel hymne au développement du télétravail

Il n’a qu’un défaut, mais il est d’importance : c’est un nouvel hymne au développement du télétravail. Tout le texte, d’ailleurs plus que les propositions finales, insiste lourdement sur les vertus du télétravail et la nécessité, pour la France, de rattraper « le retard »…

Dès la première page le ton est donné : « Dans de nombreux domaines, le télétravail présente des avantages importants : il améliore les conditions de travail des salariés et la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle; il contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre; il bouscule les modèles organisationnels et managériaux obsolescents; il favorise l’accès à l’emploi des populations exclues du marché du travail, contribuant de ce fait à l’inclusion sociale; il permet de réduire les impacts sanitaires de la pollution dans les centres urbains… ».

Mais la démonstration de toutes ces affirmations, qui reprennent les traditionnels discours pro-télétravail (entreprises fournisseurs de TIC ou télétravailleurs militants), n’est pas apportée dans les pages suivantes, et pour cause puisqu’il est dit en conclusion qu’il serait nécessaire de disposer d’ « une meilleure connaissance des gains envisageables grâce au télétravail …».

Le télétravail n’est qu’un type d’organisation du travail parmi d’autres et le rapport est incapable de justifier pourquoi les pouvoirs publics devraient favoriser, y compris par des aides financières, cette organisation plus que les autres. Il pousse implicitement le lecteur à conclure que les chefs d’entreprises, les managers et les salariés français sont les seuls à ne pas encore en avoir compris tous les avantages !

Société idéale = télétravail largement répandu

Or en insistant sur le fait que «Le télétravail pourrait concerner jusqu'à 50% des emplois en 2015, contre 30 % aujourd'hui », le rapport sous-entend que la société idéale serait la société dans laquelle tous les emplois « télétravaillables » devraient être tenus par des télétravailleurs. C’est pourquoi un certain nombre d’articles de presse ont titré «Le télétravail pourrait concerner jusqu'à 50% de la population active en 2015».

Les dangers du forcing pour le télétravail

Deux exemples parmi d’autres montrent les limites, et parfois le danger, de ce forcing visant au développement à tout prix du télétravail.

Premier exemple. Il est dit et répété que le télétravail contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. C’est loin d’être toujours vrai : les premiers résultats de l’enquête que nous menons actuellement auprès des télétravailleuses et des télétravailleurs salariés (http://teletravail.enquete.free.fr) font apparaître que plus de 30% d’entre eux ont déménagé d’un appartement vers une maison individuelle à l’occasion du passage au télétravail. En moyenne, le temps de trajet domicile/entreprise a plus que doublé : les trajets sont moins nombreux mais beaucoup plus longs. Quant à la consommation d’énergie induite par le travail dans une maison individuelle, il n’est pas certain qu’elle soit moindre que celle nécessaire au chauffage d’un bureau d’entreprise.

Deuxième exemple. Il est dit et répété que le télétravail améliore la qualité de la vie. C’est ce que confirme aussi la très grande majorité des premières réponses à notre enquête. Mais, « tous les télétravailleurs sont satisfaits de télétravailler » ne veut pas dire que tous les salarié(e)s aimeraient télétravailler. « Toutes celles et tous ceux qui font du ski aiment la montagne » ne veut pas dire que tout le monde aimerait passer leurs vacances à la montagne et qu’il faut les y obliger.

C’est pourquoi le forcing en faveur du télétravail a pour conséquence des risques d’exclusion. Même, et surtout, si nous aimons le télétravail, il nous faut être lucide : tous les salarié(e)s ne VEULENT et ne PEUVENT pas télétravailler. C’est sur ces risques d’exclusion, et sur la notion de « retard », que nous reviendrons dans nos prochaines chroniques.

D’accord ou pas d’accord avec notre analyse, si vous ne l’avez pas encore fait, participez largement à notre enquête en ligne sur le télétravail (http://teletravail.enquete.free.fr)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ou comment les gens peuvent changer d'avis ...
amusant ou consternant.

Anonyme a dit…

Le rapport du CAS ayant pris parti pour le télétravail vise essentiellement à déterminer l'ampleur qu'il peut prendre , et à condition de lever quels obstacles. Pour autant dans ce rapport comme dans d'autres documents le dénombrement des télétravailleurs, du fait de critères techno utilisés , conduit à ne pas compabiliser les enseignants ( 850 000 - ce n'est pas rien. Ne travaillent ils pas chez eux? (une année scolaire " ne comportant" que 140 j/an) ...et encore . Pour autant les enseignants contribuent à la bonne exécution des programmes scolaires en préparant leurs cours chez eux ,y compris pendant les vacances scolaire et en les y corrigeant pendant les petites vacances. A côté du travail décentralisé , le fonctionnement en équipes pédagogiques comporte aussi des phases préparatoires effectuées à domicile . A l'inverse quel gain y aurait il à faire venir les enseignants 1600 heures dans les établissements ?